Soir 3 du 5 août 2017 : interview de Patrice Bouveret

Une interview de Patrice Bouveret au Soir 3 du 5 aout 2017, à l’occasion du jeûne-action :

Un traité d’interdiction de l’arme nucléaire a été adopté par les Nations unies, le 7 juillet dernier. En quoi est-ce une révolution ?

PB : C’est une révolution, car depuis sa création les Nations unies demandaient à ce qu’on interdise les armes nucléaires. On a interdit les armes chimiques, on a interdit les armes biologiques, qui étaient des armes de destructions massives. Il a fallu attendre le 7 juillet pour que l’ONU adopte ce traité avec des obligations nouvelles : interdiction de fabriquer l’arme nucléaire, de la posséder, de l’utiliser, mais aussi de s’en servir comme menace.

Quel est l’impact sur cette politique que mène la France ?

PB : C’est la remise en cause de toute stratégie qui repose sur la dissuasion nucléaire qui est remise en cause par l’adoption de ce traité dans la mesure où la France se vante de respecter le droit international. Toutes les puissances nucléaires ont la même attitude : elles refusent ce traité disant qu’elles veulent conserver l’arme nucléaire pour assurer leur sécurité.

Adoption du traité d’interdiction des armes nucléaires à l’ONU

Les Nations Unies ont adopté ce vendredi 7 juillet 2017 un traité qui interdit catégoriquement les armes nucléaires — par 122 voix pour 1 contre (Pays-Bas) et 1 abstention (Singapour), après plus de 10 ans d’efforts de la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN) dont nous sommes partenaires. Une avancée historique.

Télécharger le texte du traité d’interdiction des armes nucléaires (PDF, 178 Ko, 10 pages)

Nos actions d’août 2017

Du 6 au 9 août 2017 : le jeûne-action international pour l’abolition des armes nucléaires a été un succès. Cette manifestation internationale est organisée en commémoration des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki et pour soutenir les victimes du nucléaire civil et militaire. En France, des jeûnes-actions ont eu lieu à Montpellier, Dijon, Bordeaux, Brest, Cherbourg, Tours, Paris.

Télécharger le Bilan jeune-action 2017 en France (pdf, 482 Ko, 2 pages)

 

Télécharger le dossier de presse du jeûne-action 2017 (pdf, 2 190 Ko, 16 pages)

Visionner les reportages sur l’action :

Lettre d’information n° 266 de juin 2017

Au sommaire de la lettre d’information Abolition n° 266 de juin 2017 :

Télécharger Abolition n° 266 (pdf, 2 pages, 377 Ko)

Pour recevoir la lettre d’information à chaque parution, envoyer un courriel à :
<abolitiondesarmesnucléaires@orange.fr>

Sortir le TNP de l’impasse grâce à un Traité d’interdiction des armes nucléaires

Le Traité de non-prolifération est dans l’impasse, et cela depuis longtemps. Lors de la dernière conférence d’examen, en 2015, ce fut même la paralysie totale, si bien qu’aucun consensus n’a pu être trouvé pour adopter un document final ! Alors que « de bonne foi » les États signataires se sont engagés au désarmement nucléaire « dans un avenir proche »…
Quelles en sont les raisons ? Citons : 1°) le fait que le TNP n’ait pas vraiment réussi à empêcher toute prolifération puisque 4 États n’en font pas partie (Inde, Pakistan, Israël et Corée du Nord) et se sont dotés d’armes nucléaires ; 2°) le fait que les armes nucléaires ne soient pas explicitement déclarées illégales ; 3°) l’article VI du TNP sur le désarmement n’est pas suffisamment contraignant pour pouvoir être efficace.

Or le traité international d’interdiction des armes nucléaires — en train d’être formulé au sein des Nations Unies — aura, entre autres, le rôle de renforcer le TNP en remplissant ses lacunes, comme cela a été largement souligné par les participant-e-s à la première session (du 27 au 31 mars 2017) de la conférence de négociations à l’ONU à New York, qui conclura ses travaux le 7 juillet prochain.

En fait, ce traité sera une aide puissante pour les États dotés d’armes nucléaires qui souhaitent sincèrement aboutir à un désarmement nucléaire total par des négociations multilatérales, et cela avant qu’il ne soit trop tard. Comment la conférence quinquennale de révision du TNP en 2020 devra-t-elle en tenir compte ? C’est la question dont les États membres doivent se préoccuper dès maintenant.

Cela devra impérativement avoir des conséquences dans le consensus final malgré les États nucléaires qui refusent toute contrainte pour le désarmement nucléaire.
Comme exprimé par une allégorie très significative proposée par l’ambassadeur du Chili à l’ONU, un traité international d’interdiction des armes nucléaires doit aider les États dotés d’armes nucléaires à sortir du piège « faustien », dans lequel ils sont tombés, où le Faust de Goethe s’était fait avoir par le diable.

Luigi Mosca

Traité d’interdiction à l’ONU : de l’espoir à la réalité !

L’ONU a entamé le 27 mars 2017 les négociations d’un traité pour interdire les armes nucléaires. Ce processus, tant de fois décrié, avance vite grâce à la présence active et volontaire d’une large majorité des États membres des Nations unies et avec le soutien de la société civile.

Une page historique pour une plus grande sécurité internationale est en train de s’écrire. Faisant suite au vote de la résolution L41 de décembre 2016, l’ONU a mis en place une conférence de négociations « ayant pour objectif la négociation d’un instrument juridiquement contraignant visant à interdire les armes nucléaires en vue de leur élimination complète ». Elle a tenu sa première session du 27 au 31 mars (une seconde se déroulera du 15 juin au 7 juillet). Personne n’aurait put imaginer qu’en cinq jours, les débats et les réflexions puissent aller aussi loin dans la composition de la structure de ce futur traité. Il était espéré une présence supérieure à 100 États : en moyenne 115 États furent présent chaque jour, avec un pic à 132 le dernier jour, démontrant une volonté d’implication de la communauté internationale.

Comme attendu, les 9 puissances nucléaires et les États bénéficiant d’une dissuasion élargie ne sont pas venus. Notons que selon différentes sources la Chine était très proche de participer à cette conférence (entraînant de fait avec elle l’Inde et le Pakistan), mais Pékin a plié sous la pression des autres membres du P5 (Russie, États-Unis, France, Royaume-Uni) et renoncé à sa participation. Parmi les tentatives de pression, remarquons cette conférence de presse des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni (accompagnés de 16 États d’Europe centrale, baltes et des Balkans) pour marquer leur opposition, le jour de l’ouverture à quelques pas de la conférence. Tous se sont rangés derrière l’ambassadrice américaine, Nikki Haley, qui en tant que « mère » indiqua qu’il était aujourd’hui dangereux d’interdire les armes nucléaires, celles-ci protégeant la sécurité de ses enfants et de sa nation…

Combler le vide juridique pour renforcer la sécurité humaine

Deux États opposés au traité d’interdiction ont fait la démarche de participer. Le Japon est venu uniquement le premier jour pour lire sa déclaration indiquant qu’il lui est difficile de « participer à cette Conférence de manière constructive et de bonne foi ». Les Pays-Bas, sous la pression du Parlement, fut ainsi en quelque sorte les yeux et les oreilles des États de l’Otan. Relevons que des diplomates roumains et bulgares (reconnus par d’autres diplomates) ont montré leur nez. La très grande présence des États sud-américains et de l’ensemble des pays de l’Asie du Sud-Est était quasi attendue, tout comme celle de la dizaine d’États européens (Autriche, Irlande, Malte, Suède, Suisse, Lichtenstein, Saint-Marin, le Saint-Siège…) accompagnée d’une délégation du bureau des affaires étrangères de l’UE, ce qui est à souligner. L’Afrique, zone exempte d’armes nucléaires depuis 1996, avec la présence de 43 États, s’est en quelque sorte divisée entre une très forte présence d’États « anglophones » tant physique qu’en prise de parole et une semi-absence des États francophones. Pourquoi ? Si des délégations africaines à New York sont réduites en terme de personnel, expliquant ainsi une présence partielle, certaines attitudes n’ont trompé personne. En effet, selon différentes discussions en « off », les capitales « francophones » ont reçu des recommandations appuyées de Paris pour ne pas s’exprimer, voir être absente. La France avait déjà en 2016 réalisé une démarche similaire…

Le consensus général était présent dans de nombreuses discussions, organisées autour des déclarations initiales de haut niveau présentant les points de vue de chacun sur ce que le traité d’interdiction devrait contenir, suivis de discussions sur les principes et les objectifs, les éléments du préambule, les interdictions et les obligations positives et les arrangements institutionnels.

L’objectif global et clairement affirmé est bien celui de combler le vide juridique existant avec un texte qui portera sur une interdiction de mise au point, de production, d’acquisition, de financement, de possession, de stockage, de transfert, d’emploi ou de menace d’emploi des armes nucléaires. La présidente, l’ambassadrice Elayne Whyte du Costa Rica, a conclu sur le succès de cette première semaine en rappelant que son mandat était bien de créer un traité d’interdiction pour le 7 juillet, au cas où certains auraient encore des doutes….

Jean-Marie Collin, ICAN France

Article publié dans la lettre d’information Abolition n° 265 d’avril 2017

Quand l’Inde enrichit son uranium grâce à la France

La France affirme haut et fort son attachement à la lutte contre la prolifération nucléaire… Une position affichée vis-à-vis de l’Iran ou de la Corée du Nord, mais pas pour l’Inde !

Déjà le précédent gouvernement a accepté en septembre 2016 de vendre à l’Inde 36 Rafale, alors que le Premier ministre indien affirmait haut et fort dans la presse qu’il avait choisi cet avion de combat en raison de ses capacités à larguer des bombes atomiques !

L’Inde, depuis les années 2000, a mis en place, dans le plus grand secret jusqu’à ces toutes dernières années, une usine d’enrichissement de l’uranium à des fins militaires. Or, en avril 2015, l’entreprise française Alstom dévoilait un contrat de 8,5 millions d’euros pour la fourniture d’un transformateur électrique pour cette usine d’enrichissement… Et ce 5 jours après que la France a déposé devant la Conférence du désarmement à Genève son projet de traité interdisant la production des matières fissiles à des fins  militaires !

Gageons que le Premier ministre indien, M. Modi est sorti rassuré de son entrevue vendredi 2 juin avec Emmanuel Macron sur la poursuite des contrats…

Patrice Bouveret

Publié dans la lettre d’information Abolition n° 266 de juin 2017

Lettre d’information spécial TNP 2017

Au sommaire de la lettre d’information n° spécial TNP 2017, diffusée lors de la première session préparatoire de la conférence d’examen du Traité de non-prolifération qui s’est tenue à Vienne (Autriche) du 2 au 12 mai 2017  :

Télécharger le n° spécial TNP 2017 (pdf, 2 pages, 172 Ko)

Pour recevoir la lettre d’information à chaque parution, envoyer un courriel à :
<abolitiondesarmesnucléaires@orange.fr>

Lettre d’information n° 265 d’avril 2017

Au sommaire de la lettre d’information Abolition n° 265, d’avril 2017 :

Télécharger Abolition n° 265 (pdf, 2 pages, 172 Ko)

Pour recevoir la lettre d’information à chaque parution, envoyer un courriel à :
<abolitiondesarmesnucléaires@orange.fr>

Faire le deuil d’Hiroshima…

Faire le deuil d’Hiroshima… C’est la démarche à laquelle le général Francis Lenne nous invite*. Pour lui il ne s’agit ni de défendre, ni d’exclure la dissuasion nucléaire, car elle ne peut pas l’être. La bombe atomique n’est pas une arme au sens militaire du terme. Elle n’est pas utilisable pour se défendre, mais pour s’immoler. Il n’y a pas de passage à l’acte possible. Être pour ou contre le nucléaire est donc un faux débat.

Le concept de dissuasion nucléaire opère dans un champ virtuel : celui de la pensée d’un potentiel agresseur en vue d’obtenir un effet bien réel, l’absence d’agression de sa part compte tenu de la menace brandie. Ce modèle de pensée repose sur l’hypothèse que tous les acteurs impliqués sont rationnels, c’est-à-dire que leurs comportements sont prévisibles. Or, ce n’est pas le cas. Contrairement à une théorie physique qui peut faire l’objet d’une expérience pour en vérifier la validité, la dissuasion est un concept qui n’est testable ni en fait, ni en droit. Sa validité est indémontrable. Elle n’est qu’un simple axiome, un pari sur la survie de l’humanité.

Depuis de nombreuses années, nous essayons d’argumenter point par point face aux tenants de la dissuasion nucléaire. Opposant notre rationalité citoyenne à leur rationalité. Mais nos arguments buttent sur le mur de la dissuasion nucléaire sans arriver à creuser de véritables failles. Un débat stérile car il se situe sur le plan des convictions personnelles qui s’accompagnent toujours d’un investissement affectif du jugement. C’est bien ce qui s’est passé en septembre 1983 lorsque le colonel Petrov, officier de garde sur la base d’alerte stratégique en Union soviétique. Le déclenchement du système informatique d’alerte aurait dû le conduire — rationnellement — à mettre en route la procédure dont il était responsable. Il a désobéit en raison de ses propres convictions qui nous font justement sortir du champ de la rationalité… nous invitant à nous tourner vers la psychanalyse.

D’ailleurs, au fil des numéros du bulletin Armes nucléaires STOP — dont Abolition prend la suite —, on a pu voir émerger progressivement cette idée que la stratégie de dissuasion nucléaire ne relève pas de l’ordre du rationnel, qu’il y a, sous-jacent, un comportement qui s’apparente à de la folie. Des termes provenant de la psychiatrie sont utilisés ; comme, par exemple, le « déni » (n° 235), la « perversion » (n° 238), l’« addiction » (n° 251)… On s’est interrogé de savoir si les « questions que l’on se pose ne sont pas à chercher du côté de la psychologie sociale » (n° 240)… Des discussions avec une psychanalyste ont été organisées.

 

La stratégie nucléaire, un trouble mental

Le général Lenne nous conduit à franchir ce pas supplémentaire de dépasser l’approche sociologique pour aller chercher des éléments de compréhension du côté de la psychanalyse : « La question nucléaire, au-delà de son caractère technique au sens large, trop souvent mis en avant dans les argumentations, est en effet principalement et avant tout d’ordre psychologique : la dissuasion n’existe que dans l’esprit de celui qui est prétendu dissuadé et par conséquent et en parallèle dans l’esprit de celui qui prétend qu’il dissuade, donc des images que se font l’un et l’autre des représentations de chacun. » Des images qui sont celle de la terreur absolue, ce qui « est éminemment pathologique ».

Mais dresser un constat, aussi juste soit-il, ne résout pas pour autant la question. « Aucun discours raisonné, aussi bien argumenté soit-il ne pourra jamais parvenir à résoudre la question nucléaire et à éloigner de l’humanité le risque majeur de sa propre autodestruction. »

Comment amener les chefs d’États et hauts responsables qui les accompagnes à entrer dans « une psychothérapie pour évacuer cette pathologie qui la dissuasion provoque » ? Pour Francis Lenne, la résolution L.41 adoptée par l’ONU « est l’amorce de cette démarche », l’exhortation adressée par les peuples aux chefs d’États « afin qu’ils acceptent sans crainte de “consulter” ».

Il n’est pas certain que cela soit suffisant. Mais les rencontres proposées dans ce cadre à l’ONU durant l’année 2017 « offrent une occasion inespérée » de mettre en place un nouveau paradigme de la sécurité qui favorise la compréhension mutuelle au lieu de la défunte conception de la dissuasion nucléaire fondée sur la méfiance mutuelle.

Patrice Bouveret,
Observatoire des armements

 

*Le deuil d’Hiroshima est le titre de l’ouvrage rédigé par le général Francis Lenne sur lequel s’appuie cet éditorial et d’où sont extraites toutes les citations. Il est disponible gratuitement par téléchargement Le deuil Hiroshima -2017 (pdf, 257 pages, 3,2 Mo)

Article extrait de la lettre d’information Abolition n° 264 de février 2017.

Lettre d’information n° 264 de février 2017

Au sommaire de la lettre d’information Abolition n° 264 de février 2017 :

  • Faire le deuil d’Hiroshima, Patrice Bouveret
  • Conférence de négociations d’un traité d’interdiction : interpellation des candidat-e-s à la présidentielle
  • Victimes des essais nucléaires : nouvelles avancées législatives, Patrice Bouveret

Télécharger Abolition n° 264 (pdf, 2 pages, 201 Ko)

Pour recevoir la lettre d’information à chaque parution, envoyer un courriel à :
<abolitiondesarmesnucléaires@orange.fr>