Traité d’interdiction à l’ONU : de l’espoir à la réalité !

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L’ONU a entamé le 27 mars 2017 les négociations d’un traité pour interdire les armes nucléaires. Ce processus, tant de fois décrié, avance vite grâce à la présence active et volontaire d’une large majorité des États membres des Nations unies et avec le soutien de la société civile.

Une page historique pour une plus grande sécurité internationale est en train de s’écrire. Faisant suite au vote de la résolution L41 de décembre 2016, l’ONU a mis en place une conférence de négociations « ayant pour objectif la négociation d’un instrument juridiquement contraignant visant à interdire les armes nucléaires en vue de leur élimination complète ». Elle a tenu sa première session du 27 au 31 mars (une seconde se déroulera du 15 juin au 7 juillet). Personne n’aurait put imaginer qu’en cinq jours, les débats et les réflexions puissent aller aussi loin dans la composition de la structure de ce futur traité. Il était espéré une présence supérieure à 100 États : en moyenne 115 États furent présent chaque jour, avec un pic à 132 le dernier jour, démontrant une volonté d’implication de la communauté internationale.

Comme attendu, les 9 puissances nucléaires et les États bénéficiant d’une dissuasion élargie ne sont pas venus. Notons que selon différentes sources la Chine était très proche de participer à cette conférence (entraînant de fait avec elle l’Inde et le Pakistan), mais Pékin a plié sous la pression des autres membres du P5 (Russie, États-Unis, France, Royaume-Uni) et renoncé à sa participation. Parmi les tentatives de pression, remarquons cette conférence de presse des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni (accompagnés de 16 États d’Europe centrale, baltes et des Balkans) pour marquer leur opposition, le jour de l’ouverture à quelques pas de la conférence. Tous se sont rangés derrière l’ambassadrice américaine, Nikki Haley, qui en tant que « mère » indiqua qu’il était aujourd’hui dangereux d’interdire les armes nucléaires, celles-ci protégeant la sécurité de ses enfants et de sa nation…

Combler le vide juridique pour renforcer la sécurité humaine

Deux États opposés au traité d’interdiction ont fait la démarche de participer. Le Japon est venu uniquement le premier jour pour lire sa déclaration indiquant qu’il lui est difficile de « participer à cette Conférence de manière constructive et de bonne foi ». Les Pays-Bas, sous la pression du Parlement, fut ainsi en quelque sorte les yeux et les oreilles des États de l’Otan. Relevons que des diplomates roumains et bulgares (reconnus par d’autres diplomates) ont montré leur nez. La très grande présence des États sud-américains et de l’ensemble des pays de l’Asie du Sud-Est était quasi attendue, tout comme celle de la dizaine d’États européens (Autriche, Irlande, Malte, Suède, Suisse, Lichtenstein, Saint-Marin, le Saint-Siège…) accompagnée d’une délégation du bureau des affaires étrangères de l’UE, ce qui est à souligner. L’Afrique, zone exempte d’armes nucléaires depuis 1996, avec la présence de 43 États, s’est en quelque sorte divisée entre une très forte présence d’États « anglophones » tant physique qu’en prise de parole et une semi-absence des États francophones. Pourquoi ? Si des délégations africaines à New York sont réduites en terme de personnel, expliquant ainsi une présence partielle, certaines attitudes n’ont trompé personne. En effet, selon différentes discussions en « off », les capitales « francophones » ont reçu des recommandations appuyées de Paris pour ne pas s’exprimer, voir être absente. La France avait déjà en 2016 réalisé une démarche similaire…

Le consensus général était présent dans de nombreuses discussions, organisées autour des déclarations initiales de haut niveau présentant les points de vue de chacun sur ce que le traité d’interdiction devrait contenir, suivis de discussions sur les principes et les objectifs, les éléments du préambule, les interdictions et les obligations positives et les arrangements institutionnels.

L’objectif global et clairement affirmé est bien celui de combler le vide juridique existant avec un texte qui portera sur une interdiction de mise au point, de production, d’acquisition, de financement, de possession, de stockage, de transfert, d’emploi ou de menace d’emploi des armes nucléaires. La présidente, l’ambassadrice Elayne Whyte du Costa Rica, a conclu sur le succès de cette première semaine en rappelant que son mandat était bien de créer un traité d’interdiction pour le 7 juillet, au cas où certains auraient encore des doutes….

Jean-Marie Collin, ICAN France

Article publié dans la lettre d’information Abolition n° 265 d’avril 2017

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